Toussaint : un cercueil dans les bras de l'allégorie de la Prudence [P. Bruegel - 1559]
Prudencia. Pieter Bruegel. 1559. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles / photo : Photo d'art Speltdoorn & Fils, Bruxelles retouchée.
Parmi les 4 vertus cardinales identifiées depuis Platon, Prudence est généralement la première.
Prudence (de Prudentia) est - en plus de la prévoyance - aussi synonyme de sagesse.
Bruegel est par ailleurs connu pour ses affinités avec Erasme, l’un des fondateurs de l’Humanisme à l’Occidental. C’est donc pourquoi son oeuvre s’attèle à figurer la réalité populaire de son temps (puisque voici que *l’homme est mesure de toute chose*) et, à travers elle, les grandes questions existentielles, mais cette fois dégagées de toute contrainte religieuse.
A l’heure de la Toussaint, je te propose de décoder une des gravures du célèbre peintre bruxellois puisque Prudence étreint un cercueil tête en bas.
Comment interpréter une telle image?
En voici ma vision personnelle, comme historien de l’art et thérapeute.
Prudence / Sagesse étreint un cercueil.
il est donc question de mourir.
mais le cercueil est retourné. Ou, pour mieux dire, inversé puisqu’il est tête en bas. Si c’est la mort en inversé : c'est donc une mort apparente, une mort pour renaître.
Et comment cela?
Comment renaître?
Prudence / Sagesse tient un miroir
on renaît en apprenant à se connaître, en se regardant en face [VIII / Justice dans le tarot], dans un miroir.
se connaître c’est aussi faire un retournement sur soi (tout comme le cercueil) pour découvrir cette part cachée et subtile en soi… que l’on appelle parfois l’âme (voilà qui colle bien encore avec ce cercueil).
renaître à soi, c’est aussi admettre que l’on a une part mortelle - l’égo - et l’accueillir.
se connaître, enfin, c’est se tourner vers sa richesse intérieure [d'où ce coffre de pièces près du miroir].
Prudence / Sagesse a un tamis sur la tête :
on renaît en prenant en compte que le soucis est aussi d'origine mentale… parce que l’on ne peut vivre en donnant toute la place au mental. Car laisser toute la place au mental équivaut à vivre à moitié…. ou être à moitié mort.
on renaît en triant ce qui est juste et ce qui ne l'est pas par rapport à soi [XII / Le_Pendu]. On renaît à soi quand on accepte de vivre pour soi et non plus pour ou en fonction des autres en vue de recevoir leur approbation, leur amour. C’est donc faire le tris entre tous ces compromis que je fais au détriment de moi-même en vue de plaire et ce qui constitue ma nature profonde, en vue de l’assumer.
... tiens... VIII + XII = XX... ça renait, non? :)
Vois aussi que le pied du cercueil et le tamis sont au même niveau : le tri doit aussi se faire dans les profondeurs. : qu’il s’agisse de ce qui est caché en moi ou de mes racines profondes [inter-générationnel]
Tu noteras enfin que Prudence / Sagesse a les pieds sur une échelle... c'est donc aussi un principe d'élévation.
Et comme cette échelle mène à un malade dans son lit : c'est sans doute aussi un moyen de prendre bien soin de soi.
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Voici donc ce que Bruegel et ses contemporains, il y a de cela un demi-millénaire, considéraient comme étant une attitude sage et prudente.
Nous n’avons donc rien inventé.
La sagesse occidentale est tout aussi digne et riche que celles venues de contrées plus lointaines et vers lesquelles - quand bien même ce n’est pas leur culture - beaucoup de personnes se tournent, ignorantes du fait que leur propre histoire recèle aussi ses trésors.
La Toussaint est l’occasion d’honorer ses ancêtres.
La moitié des miens étaient des Européens. Et je profite de ce jours pour rappeler combien leur héritage et leur savoir sont riches.
![Toussaint : un cercueil dans les bras de l'allégorie de la Prudence [P. Bruegel - 1559]](https://images.squarespace-cdn.com/content/v1/54de4601e4b0406fb3d06f37/1572531548799-TMYOR4XBYMV5DY6F6YYM/prudence4.jpg)
